Faire avancer les choses – une conversation avec Melba Da Silva sur l'inclusion et la diversité

Dans le cadre de Parlons carburant, j'ai eu l'immense privilège de m'entretenir avec plusieurs membres de la famille Petro-Canada au cours des dernières années. Ces personnes m'ont partagé leurs histoires, particulièrement en ce qui a trait à l'inclusion et à la diversité : Chris Forward a souligné à quel point il était important que les personnes LGBTQ2S+ puissent être authentiques au travail, Melissa Tacan nous a encouragés à « mettre du cœur » dans la vérité et la réconciliation, et Andrea Decore nous a rappelé que la diversité au travail n'est pas qu'un enjeu social, mais aussi un enjeu économique (anglais seulement).

Ces entrevues m'ont amenée à réfléchir longuement sur la façon d'être une alliée. En tant que personne LGBTQ2S+, j'ai une bonne idée de ce que signifie être une bonne alliée, mais en tant que Blanche, je sais que j'ai beaucoup de chemin à faire pour appuyer les collègues noirs et de couleur. Alors, ce n'est pas sans coïncidence que j'ai décidé de m'entretenir avec Melba Da Silva dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs. Melba compte 20 années de service à Petro-Canada, au sein des activités du secteur Aval, et c'est une membre fondatrice du réseau Mosaïque à Suncor (fière propriétaire de Petro-Canada). Ce réseau est constitué d'alliés, de défenseurs et d'employés noirs qui sont habilités, informés et bien placés pour exercer une influence positive sur le parcours lié à la culture et les employés de Suncor.

J'ai discuté avec Melba de son point de vue sur la diversité, de ce que signifie être Noire au travail et de la façon dont les collègues peuvent être solidaires et de vrais alliés.

PC : Melba, merci de vous entretenir avec moi! J'aimerais commencer par discuter du Mois de l'histoire des Noirs. Je dois l'avouer, j'hésitais un peu à faire cette entrevue, car je ne voulais pas simplement « cocher une case » pour faire quelque chose pour le Mois de l'histoire des Noirs à Parlons carburant.

MD : Laissez-moi vous poser une question : depuis que nous avons commencé à discuter (note de l'éditeur : nous avons eu trois rencontres pour discuter de cet article), avez-vous parlé à d'autres personnes des enjeux que nous avons abordés? Si oui, alors vous n'avez pas simplement « coché une case ». Être un allié est répétitif; il faut persister.

Simplement en tenant ces conversations, nous changeons les choses en ce qui a trait à l'inclusion, à la diversité et à la compréhension. Certes, c'est un petit pas, mais c'est tout de même un pas en avant. Je travaille dans le développement agile, et voici ma philosophie pour l'inclusion et la diversité : apportez un petit changement, évaluez la situation et, si cela fonctionne, répétez.

PC : Parlez-moi de votre expérience en tant que Noire au Canada.

MD : Je ne m'étais jamais perçue comme différente jusqu'à ce que je fasse l'objet de discrimination en tant que Noire et femme. Par exemple, lorsque nous avons d'excellents leaders (au travail), nous avons tendance à observer leurs qualités et à essayer de reproduire ce qui a contribué à leur réussite. Toutefois, j'ai appris que je ne pouvais pas imiter les qualités des leaders hommes et blancs, car je serais perçue comme agressive. J'avais l'impression de ne pas avoir de voix.

En tant que Noire, je dois être consciente que toutes les personnes qui interagissent avec moi ont leurs propres préjugés inconscients. Si je veux réussir, j'ai beaucoup de travail à faire.

Mais ce qui fait vraiment ressortir le problème du racisme systémique au Canada, c'est la façon dont mon fils est traité. Chaque fois qu'il conduit ma voiture, il se fait arrêter par la police. Une fois, il était dans le métro de Toronto et il est sorti de la station par la mauvaise porte : la sécurité de la TTC l'a confronté de façon agressive. S'il porte un chandail à capuchon, il est considéré comme dangereux. Et cela n'a rien à voir avec la personne qu'il est. Un collègue blanc m'a déjà dit qu'il n'y avait pas de racisme systémique au Canada. Je lui ai rappelé à quel point nos fils seraient traités différemment s'ils étaient arrêtés par la police. Cela l'a amené à réfléchir.

Un autre exemple très actuel du racisme systémique au Canada : le Convoi de la liberté. Les gens qui manifestent ont le droit de construire des forts et d'apporter du propane sur place. Si c'était une manifestation dans le cadre de Black Lives Matter, rien de cela ne serait permis, et on aurait mis fin immédiatement au mouvement avec force.

PC : Avez-vous des recommandations pour les gens qui souhaiteraient devenir de meilleurs alliés (ressources, attitudes, etc.)?

MD : L'alliance ne se résume pas à discuter de certaines choses : il faut agir, et ce, de différentes façons. D'abord, nous devons tous tenir davantage de conversations difficiles et être à l'aise d'avoir ces conversations. Nous devons désapprendre et réapprendre certains de nos concepts fondamentaux à propos des Noirs.

Les dirigeants d'entreprise, tout particulièrement, ont une responsabilité. Nous avons besoin de défenseurs dans les salles de réunion, surtout quand vient le temps de prendre des décisions concernant l'embauche ou les promotions. Remarquez le langage que vous utilisez pour décrire quelqu'un – est-ce qu'une personne est vraiment agressive ou tout simplement affirmée, et vous la cataloguez de la sorte simplement parce qu'elle est Noire? L'alliance véritable, c'est quand un leader fait remarquer à un autre qu'il a des préjugés.

En ce qui concerne l'éducation, faites vos devoirs. Il existe une panoplie de livres, de films et d'histoires sur YouTube. N'oubliez pas : vous pouvez apprendre sur l'excellence des Noirs et l'histoire des Noirs même si ce n'est pas le mois de février. Une de mes collègues m'a mentionné récemment qu'elle avait regardé la série Women of the Movement (anglais seulement). J'ai beaucoup de respect pour quelqu'un qui prend l'initiative d'en apprendre davantage sur l'histoire des Noirs.

Si vous ne savez pas quelque chose, posez des questions. Il est tout à fait acceptable de reconnaître que vous ne connaissez ou ne comprenez pas l'expérience que vit un Noir et de vous renseigner. Il est important de faire preuve d'humilité en abordant des sujets délicats et d'être prêt à vous excuser si vous commettez une erreur. Dans une réunion, j'ai déjà dit que je me trouvais « au bas du mât totémique ». Par la suite, quelqu'un m'a fait remarquer à quel point cette expression était raciste. Je me suis tout de suite excusée auprès du groupe. Ce n'est pas un travail facile. Nous avons tous la possibilité d’apprendre les uns des autres.

PC : Quelles leçons avez-vous tirées de votre travail dans l’espace I et D?

MD : Depuis que je suis dans l'espace I et D, je me sens extrêmement comblée. J'ai appris que les liens sont cruciaux et que les gens peuvent être beaucoup plus productifs et atteindre des limites qui dépassent l'imagination. J'ai compris l'importance de trouver ces liens : quand des personnes apprennent qu'elles partagent les mêmes intérêts, il y a un moment d'excitation et d'appartenance.

Par exemple, j'ai déjà travaillé avec une nouvelle diplômée d'origine asiatique. Elle m'a raconté qu'elle s'était rendue dans un magasin haut de gamme pour acheter un sac à main dispendieux. Les employés du magasin l'ont traitée avec peu d'égard : elle a senti qu’ils la discriminaient et qu'ils ne pensaient pas qu'elle avait les moyens de se payer le sac à main parce qu'elle était Asiatique. Nous avons essayé de discuter de discrimination, mais le lien ne se faisait pas.

Alors, j'ai changé le scénario. Ma famille cuisine le manioc, un légume-racine. Elle m'avait mentionné que sa mère cuisinait le yucca : c'est le même légume, seul le nom est différent. Lorsque je lui ai raconté cela, elle m'a parlé de sa mère et des différents plats qu'elle cuisinait. Et c'est grâce à cette conversation que nous avons établi un lien, et non grâce à celle sur la discrimination.

Voilà le secret de la réussite pour l'inclusion et la diversité : les gens peuvent tisser des liens grâce à des intérêts communs. Bien sûr, les liens créés avec des personnes qui vivent les mêmes difficultés que nous sont les plus profonds, mais il est tout à fait possible de tisser des liens grâce à des intérêts communs.

C'est en partageant des intérêts communs avec des personnes ayant des expériences de vie différentes que nous pourrons combattre le racisme systémique. Par exemple, dans un groupe de leaders qui prennent des décisions d'embauche, quelqu'un pourrait dire : « Embauchons Johnny! » Lorsqu'un autre lui demanderait pourquoi, il pourrait dire : « Parce qu'il me fait penser à moi quand j'avais son âge. » Il s'agit là d'un autre exemple de racisme systémique : quelqu'un qui me ressemble n'aura aucune chance, car personne autour de la table ne pourrait dire la même chose. Les gens ont tendance à embaucher des personnes qui leur ressemblent. C'est l'un des obstacles que nous devons surmonter – et l'un des avantages d'avoir un réseau d'employés comme Mosaïque à Suncor.

PC : Vous avez participé à la création du réseau Mosaïque à Suncor. Comment cela s'est-il déroulé? Qu'est-ce qui vous a surpris à propos de l'expérience?

MD : Le réseau Mosaïque est composé de personnes qui s'entraident, qui stimulent le changement, qui offrent du mentorat et qui se soutiennent. Il comprend des gens qui peuvent nous guider dans nos carrières. Il est important de travailler avec des gens qui nous ressemblent et qui partagent les mêmes douleurs et les mêmes difficultés; c'est vraiment inspirant. Les membres du réseau sont un peu comme ma famille : on ne s'entend pas toujours, mais on a tous le même objectif.

Le réseau Mosaïque m'a permis d'avoir des conversations inattendues – le plus étonnant, peut-être, à propos des cheveux. En tant que femme noire, mes cheveux sont souvent un sujet de conversation. Mes cheveux au naturel sont parfois perçus comme « non professionnels » ou « non appropriés » au travail. Je fais aussi face à de micro-agressions sur une base régulière, avec les gens qui veulent toucher à mes cheveux. J'en ai parlé lors d'une réunion de Mosaïque et j'ai tissé quelques liens inattendus. D'abord, des collègues ayant des enfants métissés ont parlé des défis qu’ils vivaient. Puis, un collègue blanc plus âgé m'a parlé de son enfant qui avait teint ses cheveux bleus : en apprenant à quel point mes cheveux étaient importants pour moi, pour mon identité, il a pu mieux comprendre comment établir un lien avec son enfant.

C'est merveilleux d'avoir un réseau qui vous soutient et qui soutient votre carrière et votre culture. Je suis tellement heureuse quand je me connecte à une réunion et que je vois un si grand nombre de personnes noires et de couleur à l'écran, de voir autant de Noirs talentueux et accomplis qui travaillent ensemble, détiennent différents diplômes et parlent différentes langues. Nous avons vraiment des employés noirs hors pair qui travaillent à Suncor.

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Melba, merci énormément d'avoir partagé votre expérience avec nous et de nous avoir fait part de différentes façons de favoriser la compréhension et de devenir d'excellents alliés. Nos conversations très intéressantes m'ont remplie d'humilité et m'ont rappelé qu'en tant que Blanche, j'ai bénéficié du racisme systémique.

Personnellement, j'essaie de m'assurer que les livres que je lis ou les séries que je regarde incluent du contenu créé par des Noirs. L'un des livres que j'ai le plus aimés récemment s'intitule You’ll Never Believe What Happened to Lacey: Crazy Stories About Racism, écrit par Amber Ruffin (comédienne et animatrice de télévision américaine) et sa sœur, Lacey Lamar. Le livre parle des micro-agressions et du racisme que vivent actuellement les Noirs, avec une pointe d'humour et d'incrédulité. Cette lecture fut une véritable prise de conscience et m'a poussée à déployer davantage d'efforts pour devenir une bonne alliée.

Avez-vous des ressources ou des histoires que vous aimeriez partager? Laissez un commentaire ci-dessous.

~ Kate T.

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